La Déclaration de Mumemo : Une Nouvelle Pentecôte pour l’Afrique

1. Nous, les 134 délégués venant de 46 pays, représentant Caritas Africa et le département Justice, Paix et Développement du SCEAM1, d’autres organisations au sein de l’Eglise Catholique en Afrique, Caritas Internationalis et ses membres2, CIDSE3 et ses membres4, et Missio, étions réunis à Mumemo, Maputo, Mozambique, du 23 au 26 mai 2010 pour réfléchir et examiner le message et les propositions issus de la Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques, tenue à Rome en octobre 2009. Le thème de l’Assemblée était « L’Eglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix – Vous êtes le Sel de la Terre, Vous êtes la Lumière du Monde. »

L'ensemble des participants à la consultation post-synodale à Mumemo, Mozambique (23-26 mai 2010).
En attente de l’Exhortation Apostolique du Saint Père, les objectifs de la rencontre de Mumemo étaient de :
• Faire avancer le suivi des résultats de l’Assemblée Spéciale par le biais de l’identification des sujets prioritaires;
• Etudier les moyens qui amèneraient les différentes branches de l’Eglise à travailler plus étroitement ensemble ; et
• Elaborer et adopter un plan d’action à être utilisé par les départements appropriés de l’Eglise en Afrique pour faire avancer les résultats du Synode.
2. Nous avons été honorées par la présence de Son Eminence Peter Cardinal Turkson, Président du Conseil Pontifical Justice et Paix à Rome, dont le discours d’ouverture s’est appesanti sur le thème global de la consultation: « Le Synode des évêques pour Afrique – une Nouvelle Pentecôte pour l’Afrique. » Etaient aussi présents Son Eminence Polycarpe Cardinal Pengo, Président du SCEAM et Son Excellence Cyprian Kizito Lwanga, Président de Caritas Africa.
Gardant à l’esprit que cette Deuxième Assemblée Spéciale des Evêques pour l’Afrique a été organisée 15 ans après la conclusion du premier, le Cardinal Turkson a fait référence aux deux messages clés de l’Exhortation Apostolique Post-Synodale, Ecclesia in Africa5 :
• L’Eglise Famille de Dieu a été adoptée comme un paradigme ecclésial décrivant l’identité et la nature de l’Eglise en Afrique.
• L’Evangélisation dans tous les aspects du travail de l’Eglise, pour aider à la construction de l’Eglise Famille de Dieu a été confirmée comme étant la priorité pastorale de l’Eglise en Afrique.
Quinze ans plus tard, a poursuivi le Cardinal, il ne suffit plus de parler seulement de l’identité de l’Eglise : la Deuxième Assemblée Spéciale pour l’Afrique a mis l’accent sur l’activité et la mission de l’Eglise comme « Sel de la Terre, Lumière du Monde ». Tout en conservant son identité comme Eglise Famille de Dieu, l’Eglise doit devenir un serviteur plus actif de réconciliation, de justice et de paix et, ce faisant, elle annoncera la nouvelle Pentecôte. Ainsi les deux synodes sont indissociables : l’Eglise est appelée à servir les besoins de réconciliation, les besoins de justice, les besoins de paix des peuples du continent africain, tout en continuant à mettre l’accent sur son identité spécifique comme famille de Dieu.
Ecclesia in Africa a parlé du Synode comme une expérience de résurrection et d’espérance. Dans l’intervalle de 15 ans, la situation en Afrique a considérablement changé politiquement, économiquement et culturellement. Il était donc impératif qu’une nouvelle Pentecôte pour l’Afrique puisse mener à la découverte de nouvelles voies de collaboration entre les commissions Caritas et Justice et Paix pour servir plus harmonieusement leurs Eglises locales.
L’Afrique est un continent offrant de grandes opportunités ; concrétiser ces opportunités pour la population du continent fait donc partie de la mission de l’Eglise Famille de Dieu. Et il est particulièrement pertinent, à un moment où de nombreux pays d’Afrique sont en train de célébrer 50 ans d’indépendance, que l’Eglise célèbre une Nouvelle Pentecôte pour l’Afrique.
3. Répondant aux défis identifiés par le Cardinal et auxquels l’Eglise est confrontée, les participants à la consultation ont soulevé les points suivants :
• Le Synode signifie un renouvellement de l’Eglise – la Nouvelle Pentecôte – mais l’Eglise doit être plus active et ne pas se contenter de théorie.
• Une nouvelle Pentecôte nécessite un changement d’attitude et de priorités : l’Eglise ne satisfait pas de manière adéquate les besoins de la société moderne et devrait être davantage au service des groupes marginalisés, en particulier les femmes, les jeunes, les personnes vivant avec un handicap et les plus pauvres parmi les pauvres.
• La réflexion théologique doit conduire à l’Église à une approche pastorale dans les domaines de la réconciliation, de la justice et de la paix. Tout en conservant sa dimension pastorale dans les domaines de la paix, de la justice et de la réconciliation, elle doit se surpasser et se demander comment elle vit la communion.
• La réconciliation, la justice et la paix doivent être des priorités sur les agendas de tous les diocèses ; les Commissions Justice et la Paix sont obligatoires, et non facultatives.
• L’Eglise en Afrique a été remarquable dans la prestation de services sociaux, en particulier dans les domaines de la santé et de l’éducation. Mais l’éducation doit être témoignage de vie, pas simplement pour la réussite académique.
• L’Église doit s’engager dans des questions politiques afin d’apporter des changements réels, mais doit éviter d’être partisane.
4. Conscients que les 57 propositions soumises par les Pères du Synode au Saint-Père pour sa considération couvrent de nombreux aspects et des questions distinctes auxquels sont confrontées l’Afrique et la vie de sa population ; appréciant le travail remarquable accompli par l’Eglise en termes de prestation de services sociaux ; convaincus que la récente crise financière mondiale, ainsi que les crises environnementales et éthiques auront des implications quant à la disponibilité des ressources pour le travail de l’Eglise en Afrique, nous reconnaissons que de moyens nouveaux et novateurs doivent être trouvés afin de relever ces défis.
A travers un continent aussi varié que l’Afrique, les questions prioritaires sont différentes selon les circonstances locales, mais certains principes doivent être suivis par l’Eglise partout :
• Le travail de l’Eglise doit être inspiré par les valeurs de l’Evangile, par l’Enseignement Social de l’Eglise, la primauté du bien commun, le respect de la dignité humaine, l’option préférentielle pour les pauvres et la nécessité d’être unis.
• Inspiré par la prière de Jésus pour l’unité (Jn 17, 31), l’Église et ses divers instruments pastoraux tels que Caritas et les commissions Justice et Paix, doivent utiliser au mieux les ressources humaines, matérielles, financières et spirituelles dont elle dispose. Ces services doivent les uns les autres travailler en collaboration et non en compétition, car de par sa nature l’Eglise est une.
5. Afin de progresser dans l’esprit de la Deuxième Assemblée Spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique et permettre à la Nouvelle Pentecôte de devenir une réalité pour les peuples de l’Afrique, nous nous engageons à entreprendre les actions suivantes :
a. Là où les commissions Justice et Paix et Caritas n’existent pas, qu’elles soient établies en priorité à tous les niveaux.
b. Le SCEAM, à travers les structures nationales et régionales de Caritas et de Justice et Paix, organisera des discussions dans un délai de six mois sur les possibilités et les opportunités pour travailler ensemble plus étroitement. Dans un délai de douze mois, chacune des structures nationales et régionales auront au moins un programme convenu et mis en œuvre en commun.
c. Au cours des six prochains mois, Caritas Africa et la commission Justice et Paix du SCEAM auront mis au point un plan conjoint pour le plaidoyer sur des questions stratégiques et critiques telles que la gouvernance, l’édification de la paix, les industries extractives et le changement climatique.
d. Au cours des trois prochains mois, le SCEAM va créer un groupe de travail pour étudier les propositions du Synode qui concernent spécifiquement les femmes et formuler des recommandations sur la manière dont ceux-ci peuvent être résolument appliqués à tous les niveaux.
e. Au cours des douze prochains mois, le SCEAM élaborera un plan pour l’amélioration de l’efficacité du partage des informations entre les régions et à travers le continent, afin que les institutions de l’Eglise puissent bénéficier de bonnes pratiques dans l’action pastorale de l’église, là où elles se produisent.
Par l’intercession de Notre-Dame d’Afrique, nous recommandons cette Déclaration de Mumemo à l’Eglise en Afrique et à ses amis et collaborateurs à travers le monde.
Mumemo, Mozambique
26 mai 2010
1 Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar
2 Caritas Norvège, Caritas Espagne, Caritas Allemagne, Secours Catholique Caritas France, Caritas Australie, Catholic Relief Services, CAFOD
3 Une alliance internationale de 16 agences de développement catholiques d’Europe et de l’Amérique du Nord
4 Misereor
5 Pape Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-Synodale, 1995

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